Construire un monde plus conscient, grâce à la supervision professionnelle
Intervention de Franck Joseph-Maurin, président de PSF aux Assises de la supervision 2024
Mesdames et messieurs, chères et chers collègues, chers amis
Quel plaisir de vous voir aussi nombreuses et nombreux aujourd’hui à ces premières assises de la supervision. Je suis très fier d’annoncer que nous sommes presque 100 personnes rassemblées dans cette salle, ce qui est particulièrement remarquable pour un événement professionnel sur un thème aussi singulier que la supervision professionnelle.
Je voudrais vous remercier toutes et tous de votre présence et remercier très particulièrement toute l’équipe d’organisation qui a rendu cet événement possible : Anne Gobin, Hélène Rollot, Dominique Retourné, Claudine Alezra, Véronique Hénaff et Christophe Keromen (applaudissements).
Alors, pourquoi ce thème : « Construire un monde plus conscient » ?
La séquence immersion de ce matin, vos propres résonances à notre petit film et l’intervention précieuse de notre invité Navi Radjou, que je remercie à nouveau de sa présence, nous montrent l’étendue des besoins de « plus de conscience ».
Mais qu’est ce que la conscience ?
Tout mouvement réflexif commençant par une bonne définition, il m’a semblé important de chercher celles correspondant à ce mot valise qu’est devenue la conscience.
Le Larousse en donne plusieurs définitions, dont voici trois principales :
- Connaissance, intuitive ou réflexive immédiate, que chacun a de son existence et de celle du monde extérieur.
- Représentation mentale claire de l’existence, de la réalité de telle ou telle chose : L’expérience lui a donné une conscience aiguë du danger.
- En pscyhologie, la conscience est la Fonction de synthèse qui permet à un sujet d’analyser son expérience actuelle en fonction de la structure de sa personnalité et de se projeter dans l’avenir.
On distingue trois grands espaces dans ces définitions : le soi, l’environnement et l’expérience que le soi a de cet environnement. En reliant ces dimensions, on peut dire que la conscience concerne la connaissance et la représentation que je me fais de moi-même dans mon environnement.
J’ai ainsi une représentation de moi-même en tant qu’être existant dans le monde. Je suis capable d’appréhender ma réalité individuelle dans une réalité plus globale, que celle-ci soit restreinte à mon environnement immédiat et à ceux qui le peuplent ou qu’elle s’ouvre au champ de mon univers tout entier au travers de médias tels que les représentations des autres, les livres, les images, les radios, internet, les réseaux sociaux, etc
Par extension et logiquement, cette conscience semble donc être l’outil idéal pour acquérir une représentation des effets de mon être existant, et donc agissant, sur mon environnement. Autrement dit, si j’ai conscience de moi dans mon environnement, j’ai conscience de mon impact sur cet environnement.
Ou, en tout cas, je devrais…
Vous m’entendez parler à la première personne du singulier depuis tout à l’heure. Mais la conscience est aussi un phénomène fractal. Un groupe peut avoir conscience de lui-même dans son environnement et des conséquences de ses actes et décisions sur cet environnement.
Ou en tout cas, il devrait…
Une équipe, une organisation, une nation tout entière peut avoir conscience d’elle même dans son environnement et des conséquences de ses actes et décisions sur cet environnement.
Ou en tout cas, elle devrait…
Et ainsi de suite, dès qu’une conscience apparaît, qu’elle soit singulière ou collective.
Logiquement, et par simple instinct de survie, on pourrait penser que cette capacité à la conscience, que l’humanité a su développer sur tant de niveaux différents et dans tant de territoires différents, nous amènerait, en tant qu’individu et en tant qu’espèce, à prendre des décisions et poser des actes qui soient nourriciers et constructeurs pour notre environnement social, sociétal, économique, écologique, culturel… et pour tous ceux qui l’habitent, ne serait-ce que pour continuer à pouvoir l’habiter.
Et pourtant, tous les jours, partout, de multiples manières, à tous les niveaux, à travers tous les territoires, immanquablement, malgré toute la meilleure volonté du monde, ça bugge.
Nous pouvons bugger créativement, intentionnellement, par accident, innocemment ou perversement, en prise avec nos désirs les plus profonds, confrontés à nos besoins les plus basiques, mais nous buggons.
Consciemment ou inconsciemment, nous faisons des croche pattes à nos propres consciences. Nous leur tendons des pièges, nous nous rions d’elles, nous nous cachons derrière notre ignorance ou nos faiblesses. Notre humanité même, qui n’existerait pas sans cette capacité à la conscience, nous sert parfois d’excuse pour ne pas la mettre en œuvre.
Lorsque nous avons décidé du titre de cette journée. On m’a demandé pourquoi nous parlions d’un monde « plus » conscient. Le monde est conscient ou il ne l’est pas, mais il ne peut pas être plus conscient que conscient.
Donc, pourquoi « plus » conscient ?
Parce qu’il semble nécessaire de développer une conscience de notre propre conscience. Comme si la conscience était un outil tellement usuel que nous n’en faisons plus cas. Une télécommande que nous utilisons par réflexe pour allumer l’écran de nos idées, de nos opinions, de nos croyances, sans « en faire » quelque chose. Comme s’il ne s’agissait que d’une série sans conséquence, sans réalité.
Or, à quoi sert la supervision, si ce n’est à développer cette conscience de la conscience de soi dans le monde.
À quoi sert-elle sinon à remettre en route activement la conscience que nous pouvons avoir de notre conscience ? À remettre en mouvement notre machine interne, individuelle ou collective, à nous réfléchir dans le monde ?
À quoi sert elle sinon à aider ceux que nous accompagnons à développer et mettre en œuvre cette capacité réflexive qui les amène à connaître, comprendre et ajuster leur impact sur le monde autour d’eux, que ce soit dans leur pratique professionnelle ou dans leurs dynamiques relationnelles.
Comment « construire un monde plus conscient » serait-il possible sans construire d’abord cet espace de respiration et de réflexion que nous organisons et cadrons, et dans lequel nos supervisés trouvent la confidentialité et la sécurité nécessaires à leur engagement dans une démarche réflexive confrontant les égos, les vulnérabilités, l’estime de soi, les besoins, les désirs, les limites ? Et surtout, un espace dans lequel ils peuvent développer cette conscience d’eux dans le monde, de leur impact sur ce monde et de l’impact de ce monde sur eux-mêmes.
La supervision est un processus phénoménal qui nous permet individuellement et collectivement de choisir, en conscience, la différence que nous voulons faire, professionnellement, relationnellement, empiriquement, sur le monde autour de nous…
C’est en cela qu’elle participe de la construction du monde.
Alors, cette supervision est-elle un rôle, une posture, une fonction, un métier ?
Probablement tout cela à la fois.
Chaque être humain a, sans aucun doute, à un moment ou un autre de sa vie, une fonction supervisante pour son prochain.
Accidentellement ou intentionnellement, nous cherchons tous, d’une part, à résonner avec les autres et, d’autre part, à faire résonner les autres avec nous.
C’est ainsi que nous prenons conscience de notre impact dans le monde, au travers du regard des autres et, en échange, nous offrons le nôtre à leur prise de conscience.
En tant que superviseurs professionnels, voilà notre pratique, notre rôle, notre fonction, notre métier.
Or, la supervision, mais nous devrions plutôt dire LES supervisions rassemblent des concepts, des méthodes, des postures, des philosophies d’une telle diversité qu’il faut bien une agora dans laquelle les étudier, les déplier, les déployer pour mieux les connaître, les répertorier, les diffuser et les partager.
Et c’est là toute l’ambition de PSF : rassembler le plus grand nombre de professionnels de la supervision, quel que soit leur champ d’expertise, leur origine philosophique, leur domaine conceptuel, leur champ d’exercice, leur territoire de pratique, afin d’enrichir, de développer et de promouvoir ce métier de l’accompagnement indispensable au développement de la conscience de tout un chacun, et particulièrement des professionnels de l’accompagnement et de la relation qui aident les décideurs et les acteurs du monde d’aujourd’hui.
Il y a 12 ans, nos fondateurs ont humblement, mais avec ambition, pris ce chemin, et celui-ci nous a amenés toutes et tous à répondre à l’appel d’aujourd’hui.
C’est avec fierté que je peux vous annoncer que PSF a accueilli, pas plus tard qu’hier son centième membre actif. Je devrais plutôt dire sa centième membre active.
Nous sommes donc cent, et largement plus que cela à vous voir toutes et tous aujourd’hui, à prendre en charge ce projet d’agora. Cent professionnels de tous horizons : l’accompagnement des organisations et de leurs dirigeants et managers, le monde médico-social, le monde psy dans son ensemble, le monde de la médiation, de l’entrepreneuriat, des institutions et collectivités publiques, etc…
Depuis l’origine, en grandissant, nous nous sommes structurés, organisés, construits, ensemble, autour d’une identité, d’une définition travaillée collectivement, d’une image et d’une philosophie inclusive, universelle, accueillante.
Un certain nombre d’entre vous connaissent déjà nos trois axes de travail opérationnel : Connaissance, reconnaissance, croissance. Il me semble important d’y revenir.
- Connaissance : c’est l’axe de la communauté apprenante qui est animée par nos membres autour d’événements en ligne et en présentiel tout au long de l’année afin de partager et d’enrichir nos pratiques, nos pensées et nos consciences : ce colloque en est un des moments phares, mais il y a aussi les petits déjeuner d’accueil, les webinaires de l’Odyssée Apprenante, les Pôles d’Echange de Pratique PEP’s
- Reconnaissance par nos pairs, en interne et individuellement grâce un processus d’accreditation dont la qualité réflexive et méthodique commence à être reconnue. Je sais que deux membres de la commission d’accréditation sont dans la salle et je les laisse se manifester pour que vous puissiez aller à leur rencontre. Arnaud, pierre , si tu veux bien te montrer…
- Reconnaissance par les institutions ensuite, grâce à notre participation aux travaux du SIMACS, le Syndicat Interprofessionnel des métiers de l’accompagnement, du coaching et de la supervision, dont nous avons la chance d’accueillir le président en exercice Gabriel Hannes parmi nous aujourd’hui et aux côtés de nos organisations sœurs, l’AICC, représentée aujourd’hui par sa présidente Solange Hémery, le Synpac, dont le président Stéphane Wattine nous fait l’honneur de sa présence, EMCC et ICF France, dont je sais qu’un certain nombre de membres sont parmi nous.
- Reconnaissance au niveau européen aussi, grâce à notre statut de membre de plein exercice de l’ANSE, l’association des organisations nationales de coaching et supervision en Europe, dont Hans-Ueli Schlumpf, membre du bureau, nous dira quelques mots dans un instant. Grâce à l’ANSE nous représentons, et pouvons échanger avec une communauté de plus de 10000 membres et 20 organisations nationales à travers toute l’Europe. Cela représente une richesse exceptionnelle en termes d’ouverture, de partage et d’enrichissement de nos consciences. Nous ne sommes donc pas seuls.
- La reconnaissance passe aussi par une meilleure connaissance de la réalité de notre métier et c’est pourquoi nous avons établi un partenariat avec Montpellier Business School dans le but de créer un observatoire de la supervision, le premier du genre en France. Julien Granata, professeur à MBS nous en dira plus cet après-midi.
- Enfin, dernier axe : la croissance. C’est l’axe du rassemblement, de la collaboration, de la réunion et des partenariats avec d’autres organisations, d’autre champs, d’autres acteurs, qui nous permettront d’enrichir toujours plus notre communauté, de la développer dans toute sa diversité. C’est ainsi que nous avons signé un partenariat avec ICF France en 2023, partenariat en cours de renouvellement actuellement. Notre ambition étant d’étendre ce type de partenariat à d’autres organisations. Je sais que notre message est de plus en plus entendu et j’en veux pour preuve la diversité des champs et territoires d’intervention représentés aujourd’hui dans cette salle. Il nous faut continuer à rassembler tous ceux que le développement de la conscience individuelle et collective par la supervision mobilise.
Pour réaliser tout cela, PSF a besoin de sa communauté… de vous.
Les projets sont nombreux et divers. Ils portent sur la communication, l’animation de la communauté, les relations institutionnelles, au sein du SIMACS par exemple, les partenariats, l’ouverture. Il y a tant de champs à explorer, tant d’idées à porter, tant de conscience à développer…
Nous vous remercions bien sûr de soutenir notre action en participant par exemple à ces Assises ainsi qu’aux événement que nous vous proposons tout au long de l’année, tout autant qu’en étant membre de l’association et en donnant à celle-ci les moyens de son développement et de ses actions.
Il vous est aussi possible d’aller un pas plus loin : dans quelques semaines aura lieu l’assemblée générale de PSF. La majorité du Conseil d’Administration va devoir être renouvelée à ce moment-là, y compris la présidence.
Ce sera l’opportunité pour celles et ceux d’entre vous qui sont convaincus par le projet de l’association et qui désirent pour un temps en porter le flambeau plus loin, de vous engager et d’élargir le champ des projets et des explorations possibles.
Vous pouvez venir à notre rencontre tout au long de cette journée, les membres du conseil d’administration actuel, Patricia Guitton, Anne Gobin, Carynn Palama, Valérie Baudoin, Gilles Dufour et moi-même sommes à votre disposition, à la table d’accueil ou dans la salle, pour échanger plus avant sur le projet PSF et les contributions possibles.
Notre route est claire, notre communauté grandit, notre ambition s’affiche avec fierté et je ne saurais que trop vous encourager, si ce n’est pas déjà fait, à rejoindre PSF pour que notre fonction, notre rôle, notre métier, soit encore mieux entendu et reconnu par tous ceux qui en ont l’usage ou qui désirent trouver un espace chaleureux, ouvert et inclusif, de développement et de reconnaissance.
Je vous remercie et vous souhaite une très belle journée inspirante et réflexive.
Franck Joseph-Maurin
Président de PSF 2022-2024